Profanation du cimetière juif de Quatzenheim : qui sont les Loups noirs ?

L'une des inscriptions sur les tombes du cimetière juif profané à Quatzenheim (Bas-Rhin) n'était pas en français: "Elsassiches Schwarzen Wolfe". Écrite en (mauvais) allemand, cette expression se traduit par "Loups noirs alsaciens". Qui sont-ils?

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Ces mots, tracés à la bombe de peinture bleue, recouvrent les caractères en hébreu gravés sur le marbre d'une tombe du cimetière de Quatzenheim. On y lit en (mauvais) allemand (et pas en alsacien) "Elsassiches Schwarzen Wolfe", ce qu'on peut traduire par "Loups noirs alsaciens". C'est le nom d'un groupe autonomiste alsacien qui a procédé à plusieurs actes terroristes entre 1976 et 1981. Suite au passage de ses membres devant la justice, le groupe a cessé ses activités et n'a plus fait parler de lui depuis les années 80.
 


L'historien Alfred Wahl se souvient: "Ça remonte aux années 70, c'est très ancien... C'était des gens du Val de Villé [Bas-Rhin, ndlr] qui exprimaient leur haine de la France, ils avaient notamment fait sauter la croix de Lorraine à Thann." Ce dynamitage du monument de Staufen, surplombant la commune thannoise, a eu lieu à deux reprises, en mars et en septembre 1981 (la croix avait été reconstruite). Ce monument était considéré par les Loups noirs comme "colonial". Il avait été érigé par la France pour "montrer que l’Alsace resterait toujours une possession française", expliquait Pierre Rieffel, fondateur et désormais unique survivant du commando, dans une longue interview donnée en 2009.
 

"Leur haine de la France"

La lettre (en allemand) laissée par les Loups noirs sur le lieu de l'attentat expliquait que "notre terre et notre langue nous appartiennent à nous Alsaciens, à nous seuls". Le groupe réclamait notamment l'enseignement de l'allemand dans toutes les classes alsaciennes. Ce n'est pas le seul attentat attribué aux Loups noir. Le monument à la gloire du général Turenne, à Turckheim, a également été dynamité en 1980 car il était considéré comme un "criminel de guerre: les armées françaises de Turenne ont massacré plus du tiers de la population de la ville en 1675, afin de faire savoir que toutes les autres villes qui résisteraient subiraient le même sort", toujours selon Pierre Rieffel.
 
Mais le premier coup d'éclat des Loups noirs remonte à 1976, avec l'incendie du musée du camp de concentration du Struthof. Pourquoi le Struthof? Pierre Rieffel explique dans son interview que le musée de ce camp, qui a majoritairement concentré population juive et prisonniers politiques entre 1941 et 1944, "n’évoquait jamais les souffrances des Alsaciens déportés là-bas après la guerre", en 1945. Son père y a été emprisonné à la Libération.
 

"On n'a jamais attaqué les Juifs"

Contacté par Europe 1 au lendemain de la profanation du cimetière de Quatzenheim, Pierre Rieffel déclare: "On n'avait rien à voir avec ça, on n'a jamais attaqué les Juifs, pas du tout. J'ai 90 ans, on a payé assez cher, laissez-nous tranquille avec ça." Mais l'historien Alfred Wahl en doute: "Il y a des groupes qui sont véritablement soucieux d'autonomisme sans être d'extrême droite. Mais les Loups noirs me semblaient pro-nazis [...] ils avaient connu cette époque." 

L'historien rappelle que lors du procès suivant l'arrestation des Loups noirs, en 1982, l'un de leurs défenseurs, appelé comme témoin à la barre, est Pierre Zind. Il est connu pour avoir fait partie du jury de thèse de Henri Rocques, auteur d'un travail universitaire négationniste contestant le récit de Kurt Gerstein. Kurt Gerstein, ancien nazi auteur d'un rapport aux alliés, avait été un témoin direct de l'utilisation des chambres à gaz durant la Seconde Guerre mondiale. Alfred Wahl concède qu'il ne se rappelle d'aucune référence antisémite lors des attentats des Loups noirs (qui n'ont fait aucune victime): "C'était les symboles français qui étaient visés."

Pierre Rieffel avait décliné l'invitation des membres du Bastion social de Strasbourg quand ils avaient voulu le rencontrer, se défendant de toute association avec l'extrême-droite. Les enquêteurs n'excluent pas que l'inscription sur les Loups noirs dans le cimetière a été faite pour brouiller les pistes.
  
L'enquête se poursuivait ce mercredi 20 février 2019. Les enquêteurs estiment qu'au moins deux individus ont profané le cimetière. La piste du brouillage des pistes est également évoquée par l'historien Philippe Breton, interrogé pour un reportage diffusé dans le journal télévisé du soir de France 3 Alsace le mecredi 20 février 2019: "C'est un petit groupe terroriste, en marge des mouvements autonomistes, qui n'a plus aujourd'hui aucune existence, aucune influence. Est-ce qu'on a mis ces inscription pour brouiller les pistes? Ou est-ce que, dans le fantasme de quelques uns très isolés, l'idée d'un autonomisme à base néo-nazie renaîtrait? En tout cas, les autonomistes, ou les indépendantistes alsaciens d'aujourd'hui, sont très loins de cette problématique puisqu'ils ont tout de suite dit que ça ne les concernait en aucune manière."
 
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